Un essai publié par l’expert-comptable sénégalais Alpha Youssoupha Guèye met en exergue les confluences méconnues entre le savant sénégalais Cheikh Anta Diop et son père adoptif Cheikh Ibrahima Fall,
Un essai publié par l’expert-comptable sénégalais Alpha Youssoupha Guèye met en exergue les confluences méconnues entre le savant sénégalais Cheikh Anta Diop et son père adoptif Cheikh Ibrahima Fall, dont la force des convictions partagées laisse penser à un héritage intellectuel et spirituel dépassant le cadre naturel de la parenté.
Cet essai en deux volumes de plus de 300 pages, publié en novembre dernier par la maison d’édition « Omayal », ne se limite pas à retracer les trajectoires de Cheikh Ibrahima Fall et Cheikh Anta Diop, deux acteurs importants de l’histoire intellectuelle et spirituelle du Sénégal.
Dans son ouvrage, l’auteur a cherché à montrer la « confluence » de leurs positions sur plusieurs questions ayant trait à la situation de l’homme noir par exemple, la force de certaines de leurs opinions ainsi que leur intégrité personnelle les faisant passer pour des hommes d’action de premier plan.
Selon son auteur, l’objectif de cet ouvrage est de fouiller la mémoire de la trajectoire des deux hommes pour permettre à l’Afrique de faire face à ses problèmes.
« L’objectif est de montrer aux Africains que dans toutes les questions, mêmes les plus sensibles, ils ont le statut de contributeurs, de producteurs, mais pas simplement de consommateurs (…) », dit-il.
Pour l’auteur, le futur de l’Afrique « ne se fera pas sans connaître et s’approprier le patrimoine que nous avons, c’est-à-dire de savoir que dans toutes les matières, nous avons les possibilités de donner des contributions majeures ».
Cette approche proposée se veut inédite et permet à l’auteur de faire de ses ouvrages des instruments didactiques et instructifs dont « la lecture est rendue agréable par un style fluide et sans prétention d’un auteur assez improbable pour ce genre de texte », a souligné le préfacier de cet essai, l’écrivain Boubacar Boris Diop.
Selon M. Diop, au-delà de la vie des deux hommes telle que rendue compte dans cet essai, Alpha Youssoupha Guèye relate aussi les évènements majeurs ainsi que les grandes idées de la période allant de la fin du 19e siècle au milieu du 20e siècle.
« On a eu la chance de connaitre Cheikh Ahmadou Bamba (fondateur de la confrérie mouride au Sénégal), son œuvre, sa position en tant qu’Africain qu’il a revendiquée, en tant que noir », explique l’auteur.
« En approfondissant cette question, poursuit-il, on a découvert le personnage de Cheikh Ibrahima Fall et là, par surprise, on s’est rendu compte qu’il est l’instrument qui donne ordre aux musulmans et plus spécifiquement aux mourides de renouer avec leur africanité même sur le terrain religieux », explique Apha Youssoupha Guèye.
De cette manière, l’auteur en est arrivé à s’intéresser de manière beaucoup plus poussée à la vie de Cheikh Ibrahima Fall, son œuvre et son action.
Ce dernier, entrepreneur socio-économique, était présenté comme « l’homme le plus riche de l’Afrique Occidentale Française (AOF) vers 1919 », écrit-il, avant d’ajouter : « Nous nous sommes rendu compte que c’est (Cheikh Ibrahima Fall) un Noir qui apporte une contribution théorique, religieuse et plus largement spirituelle ».
L’auteur ne se contente pas de retracer le parcours de Cheikh Anta Diop et Cheikh Ibra Fall. Il examine aussi, à travers la vie de l’un et l’autre de ses deux héros, les relations possibles que la spiritualité et la science sont susceptibles d’entretenir dans une confluence au bénéfice de l’homme.
« Quand vous avez la chance de connaître un peu Cheikh Anta Diop, sur la culture, vous vous rendez compte qu’il y a une possibilité. C’est cette étincelle qui a fait qu’on est parti de cette analyse comparative pour voir ce que cela donne », dit-il au sujet de sa démarche littéraire.
« Avec ce livre, les Africains ne sont pas au bout de leur surprise par rapport à ce qu’ils ont en termes de patrimoine dans tous les domaines. Quand Cheikh Anta Diop dit que +l’Afrique est la terre d’enfantement des sciences, des théories, de la religion et que c’est en toute liberté que tout Africain doit puiser dans l’héritage intellectuel de l’humanité+, il dit vrai », souligne M. Guèye.
Il estime que le challenge est de ne pas rester dans ce passé, mais de l’actualiser plutôt et de s’intéresser à tous les domaines de la vie pour se hisser au niveau des nations les plus avancées.
« C’est quelque chose qui est possible si on comprend notre patrimoine, qu’on en tient compte et qu’on en tire les conséquences », conclut-il.